“Nous aimerions tellement que notre vie soit linĂ©aire et conforme Ă ce que nous espĂ©rons, projetons ou planifions. Mais parfois, les imprĂ©vus, Ă©preuves ou accidents secouent nos existences, nous bouleversent et nous blessent – parfois Ă tout jamais pensons-nous – et de manière indĂ©lĂ©bile, irrĂ©parable.
Il se pourrait qu’un simple bol japonais puisse nous enseigner une de ces petites leçons de vie que j’affectionne.
Au Japon, le bol est plus qu’un objet usuel : unitĂ© de mesure, rĂ©ceptacle d’Ă peu près toutes les nourritures ou boissons, rĂ©cipient… il fait intĂ©gralement partie de la vie quotidienne. Depuis des siècles, les prĂ©cieuses cĂ©ramiques japonaises enchantent les collectionneurs. Mais lorsque la porcelaine se brise, les Occidentaux que nous sommes la rĂ©parent – au mieux pour la restaurer dans son Ă©tat initial ou la jettent.
Au Japon, il en est tout autre pour le Kintsugi – qui signifie « jointure d’or » – une technique de rĂ©paration surprenante, Ă©levĂ©e au rang d’art.
Les pièces de céramique fêlées sont rassemblées et jointes les unes aux autres
avec un mĂ©lange de laque et de poudre d’or. C’est bien cette prĂ©sence de l’or
qui rend la réparation non seulement sublime, mais surtout visible : de fines
lignes dorées parcourent la surface du bol. Et là réside toute la
transformation de l’objet. De beau, lisse et somme toute banal, ce sont
désormais ses fêlures qui le rendent unique. Il a été éprouvé par le temps et
il atteint une autre dimension.
Que n’appliquons-nous cette image Ă nos existences ! L’existence, comme un bol, accueille tout ce que nous recevons, sans que nous l’ayons forcĂ©ment choisi. Les Ă©preuves nous abattent tout comme elles nous rĂ©voltent. Et si les fĂŞlures des Ă©vĂ©nements peuvent laisser « fuiter » notre Ă©nergie ou notre espĂ©rance – si nous laissons les morceaux Ă©parpillĂ©s ou les blessures bĂ©antes – les rĂ©parations successives peuvent aussi nous transformer et nous rendre encore plus rayonnants – et plus forts. L
Loin de vouloir rendre les choses « comme avant », ce travail de rĂ©paration fait partie intĂ©grante de la vie. Parce qu’il est acceptĂ© et assumĂ©, il inclut l’Ă©preuve comme un Ă©lĂ©ment de l’existence, la dĂ©passe et fait naĂ®tre un ĂŞtre certes imparfait mais plus radieux.”
Laurence Roux Fouillet - Sophrologue